c3a : alors Antoine, ce voyage ?
Long voyage et très divers, car je suis passé par Vancouver (9 heures de décalage) et Ucluelet, voir les saumons, les lions de mer, et des forêts à l’état naturel d’une beauté incroyable.
Puis 3 jours sur la marmite du diable qu’est Yellowstone, pour enfin récupérer un RV (motor home) à Salt lake City. Il me restait 750 Km à faire pour arriver sur Smith Creek.
Video de Morgane Floc'h illustrant bien l'atmosphère
et une autre avec une tempête de poussiere
Très belle video de Guido Van Rijn, 5eme au classement
...et toutes les videos de Smith Creek sur une seule adresse URL !
J’étais aussi responsable de la logistique et du transport des chars de l’Equipe de France….avec un gros souci lors d’un transfert raté à Hambourg. Au lieu de passer par Panama puis San Francisco/Oackland comme prévu, nous avons du le faire passer par Halifax, New York, Chicago, Salt Lake City. Beau suivi de notre prestataire SEKO LOGISTICS qui a obtenu de HAPAG LLOYD ces changements, pour que la date d’arrivée soit respectée
c3a : Smith Creek Playa, c'est quoi ?
C’est un lac séché (en été) de gypse à 1800m d altitude, entouré de montagne, de 15km sur 5. Le sol, contrairement à l’habitude, ressemblait aux pavés du nord, en moins accentué.
Ce lac est à 650 Km de Salt lake City, 650 Km de San Francisco, et les « petites » villes les plus proches sont à 180 Km. Seul Austin, 200 habitants, se trouve à 50 Km. Pour ceux que l’Histoire US interesse, nous étions sur le « trail » du Pony Express (1860). Panorama et couchers de soleil magnifiques ! Dommage que les conditions climatiques délirantes ne nous aient pas permis de profiter du ciel étoilé la nuit
c3a : la base de vie, le camp et les motorhomes ?
Camp triangulaire sur 3 hectares, dont la pointe est constituée par la grande tente et les zones de départ et d’arrivée.
Il faut ajouter le bar SASSAS, un auvent, des bancs et des tables pour attendre, avec bouteilles d’eau, la tente médicale, et même une tente de religieux protestants qui eux aussi donnaient de l’eau !
Des douches à chauffage solaire, des toilettes et des lave-mains partout, un gros groupe electrogène, et, miracle, une installation permettant de se connecter au téléphone et à internet
Financement et organisation par les pilotes US sous la houlette de Mike Grimm, pour le plus grand confort de tous
Il y avait même des équipes venant de Battle Mountain, à 111 miles, pour vider les eaux sales des motorhomes, et realimenter tout le monde en eau propre et eau potable (nous buvions au moins 3 litres par jour)
Une équipe se chargeait de faire les courses à Austin pour ceux qui ne pouvaient se déplacer
Tous les deux jours, repas, concours de « chili », musique country…..
Tous les jours, remise des prix par manche, après l’open bar SASSASS de 19 à 20H ….Ah les margaritas !!
Logistique NALSA : une caravane ouverte, climatisée( !) entre la ligne de départ et celle d’arrivée, avec un porte fanions indiquant l’ordre des classes pour le départ, une grande zone d’attente pour que les départs se succèdent rapidement, un panneau indiquant l’ordre des bouées et la durée de la manche. Départ sur un drapeau vert, ce qui est plus logique que notre drapeau rouge…
Bref, ca ressemblait plus à une organisation de régates que de courses comme nous les connaissons.
c3a : pas de mer, pas de sable mais du vent et du soleil ?
Un lac grand comme une mer intérieure, avec un sol en gypse dur, ressemblant aux pavés du nord en moins accentués. Du soleil, mais aussi beaucoup de nuages et des orages impressionnants. Nous les voyions arriver en colonnes serrées, espérant qu’ils nous évitent. A cela, s’ajoutaient des grands « puffs » de poussière, annonciateurs de vents passant de 3 à 4 m/s à 12/15 m/s en 20 ‘’…
Quand ça arrivait pendant une manche, ne pas s’arrêter, continuer à plus de 110 Km/h à l’estime, en surveillant le haut des montagnes, et espérer apercevoir la bouée !
Et parfois aussi un rideau de pluie. A ce moment là, une obligation : s’arrêter et ne plus bouger. Sinon, c’est 3 kg de gypse sous chaque pied et 5 cm autour des roues..Puis prendre son couteau et enlever rapidement ce qui a collé, avant que ça devienne dur comme de la pierre !
Normalement, nous aurions du avoir un vent de 15 à 20 nœuds, du début d’après midi au début de soirée…mais pas de chance, des orages ont éclaté tous les jours dans la région et Smith Creek en a subi les conséquences que tout le monde connait.
Par exemple : Je roulais aussi en Manta Twin. La derniere manche de samedi a mis 40 minutes a se préparer : le vent se levait, disparaissait aussi vite pour revenir quelques minutes après à 180 degres du précédent. La ligne a changé pas mal de fois avant que le départ soit donné….pour voir la moitié de la flotte bloquée à proximité de l’arrivée après 25’, sans vent…
c3a : Manta, la classe US ?
Le MANTA, c’est vraiment le char à voile US.
52 Mantas twin et 22 Manta single au départ, dont quelques un prêtés à des pilotes européens,contre 29 chars US dans l’ensemble des autres classes FISLY et 5 Classe3 NALSA et 2 Classe 4
Il est en aluminium, d’origine aviation, étant la cellule des premiers ULM des années 70. Le constructeur l’a recyclé en char à voile strictement monotype, d’un prix de 2.500 $. On en trouve d’occasion pour 250 $.
Pour avoir piloté un « twin », je peux dire qu’il est vraiment tout temps, avec un siege qui permet de se mettre en rappel(!). Il est facile à piloter, mais la qualité des pilotes de la flotte US est remarquable et la concurrence redoutable.
Particularité du départ. Tous sur une seule ligne (grille Morel inconnue, ils ont appris sur place…), assis et attachés par la ceinture dite de « sécurité ». Pas plus de 3 poussées avec les talons, et si ce n’est pas suffisant, arrêt obligatoire et recommencer jusqu’à ce que ça démarre vraiment. Le passage de la première bouée (ou drapeau, ou ce qu’on veut) ressemble à un passage de régate d’Optimists en géant, et …pas à la même vitesse.. C’est chaud !
Comme le vent était très variable, et qu’il n’y a pas d’inertie, on pouvait voir la flotte de 75 chars divisée en plusieurs pelotons dans des directions différentes, se distancer, se rattraper…
Etonnant, car bien sur, pas de bancs de sable mou ni de baches pour canaliser tout ce petit monde
c3a : et la compétition classe 3 ?
Une seule ligne en grille Morel, près de la plateforme de départ/arrivée et des fanions annonçant l’ordre des classes au départ. Un membre du Comité nous présente le panneau précisant les bouées à passer (verte et noire) plus la durée (20’)
23 chars Classe 3 FISLY au départ dont 7 chars US, 4 Fr (Moi-même, Dominique Rival, Bernard et Honoré Morel), 5 B, 3 NZ, 2 G, 1NL, 1 It, plus 5 NALSA 3 en départ décalé, dont ces immenses chars à gréement rigide inaccessibles sur leur terrain !
Nous avions eu deux jours pour tater le terrain et la météo avant le début du championnat. J’avais amené 3 types de pneus (« Implement » lisses, grands mais trop durs, avec des effets de rebonds parasites, quelque soit la pression. Des pneus de WV neufs : idem, impression de ne pas avancer. Des pneus de 2CV : Ca allait beaucoup mieux, gonflés à 2.2Kg. Bernard et Symen avaient les mêmes, à 3 Kg ! Dennis avait des pneus lisses taille basse à 1.7 Kg, et c’est lui qui avait marchait le mieux en raison de ce terrain « pavé » et vibrant.
Roue avant : j’ai remis un pneu slick comme sur les plages et ça marchait très bien, sans usure aucune, contrairement aux avertissement des américains. J’ai regretté mes smooties à l’arrière. A 2.2 kg, ça aurait été l’idéal.
Voile : vu les rafales à 12/15 m/s, j’ai fait mes essais avec la petite voile 6.5m2. Moyen mais sécuritaire.
Première manche : mardi. J’hésite à changer mais de gros nuages arrivent. Retour à la petite voile…et le départ est donné sans avertissement….il me reste à fixer une poulie et mettre mon écoute. Résultat : 15eme. Mon joker est joué !
Deuxieme manche : mercredi. temps aussi incertain… tant pis, on roule bien sur les plages par force 6 avec nos voiles ordinaires… je remet tout comme à Berck ou à la Panne, sauf les roues de 2CV…plus 30 Kg de ballast comme on dit là-bas
Et ça marche !
Pas aussi bien que Dennis, Bernard et Symen, mais je suis 3eme, grace à une trajectoire mieux calculée sur la première bouée au fond du lac
Troisieme manche : jeudi. Memes conditions, mais Symen, Bernard et Guido ont compris le truc et me passent sous le nez, Dennis étant en tête dès le départ
Quatrieme manche : vendredi. Beaucoup de variations de vent durant la manche, et l’arrivée se joue en paquet sur l’inertie et en louvoyage vent très faiblissant.
4 manches de 20 minutes sur une semaine, c’est peu…
Je termine 6eme, avec un podium en 2eme manche.
Dennis est largement premier, suivi de Bernard, Symen, Philippe(NZ) et Guido.
Heureusement que j’ai aussi pu rouler en Manta Twin, ce qui a rajouté 4 manches en formule 100% US
Il y a eu beaucoup de discussions et d’incomprehensions le dernier jour entre les directeurs de course et les organisateurs, pour tenter de faire un second parcours …nous en resterons là
Mais pouvoir rouler en fonction de la meilleure trajectoire pour le char, ne pas avoir de chemin obligatoire pour aller virer les bouées (ou drapeaux verts ou noirs), cette sensation d’infini et de vitesse sans limites, c’est une expérience magique
Mais aussi, voir arriver en plein milieu de la manche ces murs de poussière annonciateurs de vents 12/15 m/s, se trouver dans un accélérateur gigantesque, sans plus rien voir, sauf le haut des montagnes et son GPS à 115 Km/h et plus… se dire que quand même il faudrait virer…et voir la bouée surgir à moins de 100 m…et tout aussi soudainement, le calme et la visibilité revenir…ça ne s’oublie pas.
Il y a eu quelques chars cassés, mais pas en collision, heureusement. Ce furent des problèmes de contrôle de chars lors des rafales, une écoute coincée lors d’un passage de bouée, et un essieu cassé lors de la retombée du char sur ses 3 roues.
Camera embarquee en classe 2, pour illustrer les "grands chars"
c3a : en conclusion, une belle aventure ?
Bien sur, venant en plus après plus de 2 semaines en voyage au Canada et à Yellowstone.
Arriver samedi en fin d’après midi sur le lac, découvrir cette superbe organisation, l’accueil et la gentillesse des américains, retrouver ses amis français, belges, hollandais, bresiliens, neo zelandais, irlandais….et tant d’autres
L’ambiance dans un tel lieu, malgré les aléas climatiques et les très longues attentes sans vent et dans une chaleur extrème, fut excellente. Je ne crois pas avoir vu une telle entente en équipe de France, par exemple. Première fois aussi que j’entends chanter les hymnes nationaux par beaucoup de pilotes présents, dont tous les français.
Et puis devant les spectacles des couchers de soleil, des vents de poussière, des orages au loin…personne ne restait insensible à la beauté du site, et tout le monde partageait les mêmes émotions .
Indiana Jones ?
(Photo Philippe Vigneron)
Et pour conclure, ce très beau diaporama de Guido, mis en musique...nostalgique