Le championnat du monde de char à voile est fini et la C3A a souhaité recueillir le témoignage du vainqueur.

Olivier_visage_Potjes

C3A : Olivier, finir à la 1ère place, on ne peut rêver mieux et cela devrait être l’explosion de joie, la folie, la fête quoi.

Olivier :  Lorsque le speaker annonce la fin des courses (que je n’entends pas d’ailleurs), c’est loin d’être le cas. Difficile de l’expliquer. Peut-être que l’attente de la dernière course (que je n’appréhendais pas), l’atteinte de l’objectif, du travail fini et bien fini ont fait que je n’avais pas grand-chose à exprimer, à extérioriser.

C3A : Pourtant quelle superbe épreuve ce cru 2010. Six manches difficiles, du louvoyage quasiment tout le temps, des adversaires de qualité.

Olivier

C3A : Eh oui, même si on finit bien placé à tous les grands prix, sur une manche de championnat d’Europe ou du monde, on gamberge un peu ?

Olivier : Mais cette première manche où je partais avec une place de 34 s’est passée on ne pouvait mieux. Tout de suite dans les 5 premiers, j’ai profité des petites erreurs de mes adversaires pour me glisser vers la tête et ne plus en sortir. Le parcours était relativement facile. Un près tout droit avec un vent venant de terre, une descente tout droit au ras du banc. Ma stratégie était simple puisque le vent venait de terre, j’ai décidé d’aller le plus loin possible sur le banc de mer avec une interrogation sur le passage à la bouée dans les trous que j’avais vu auparavant. Hans tire un bord au milieu de la plage, Antoine continue tout droit comme je l’avais décidé. Il vire un peu trop tôt pour passer les trous et perd de la vitesse. Je prends l’opportunité de porter un peu plus pour passer les trous vent de travers avec plus de vitesse. C’est passé et je refais le même parcours à chaque tour pour gagner relativement facilement.

C3A : Et les autres manches, le reste de la semaine ?

Olivier : Les autres manches étaient plus au louvoyage avec un vent bien dans l’axe. Elles ont toutes été très disputées et cela s’est joué souvent à pas grand-chose. Je m’étais fixé pour toutes ces manches quelques règles que vous connaissez surement.

C3A : Peux tu nous les préciser ?

Olivier :

  1. Essayer de ne pas aller chercher le contact pour faire ma route. C’est parfois difficile de se retrouver seul sur la plage.
  2. Trouver les endroits où il faut absolument se trouver et éviter les endroits incertains. C’est surtout vrai pour les bords de portant. Entre ces moments, il y avait des zones de transition qui me servaient à préparer les bons bords de portant ou de près, (par exemple, je savais que je devais laisser le gros plot jaune à droite pour rejoindre le gros caniveau que je passais à terre…) J’alternais ainsi les bancs tantôt payant à la mer puis à terre.
  3. Profiter de ces zones de transition pour me placer là où il n’y a personne et trouver de la sérénité. Cela permet de se ressourcer quelques instants et récupérer mentalement.
  4. Ne jamais se déconcentrer. Savoir switcher (passer à autre chose) Retirer ces petits moments de doutes, de négatifs pour passer dans le positif. C’est une chose que j’ai appris cette année. Auparavant, il suffisait que l’on me refuse une priorité pour perdre les pédales pendant 2 ou 3 minutes, de quoi perdre quelques places. Et même un bord mal négocié avec une traversée de bâche inutile me faisait perdre une bonne centaine de mètres parce que je m’énervais. Il m’est arrivé le lundi un début de ce phénomène. En bataille avec Egon au près sur le même banc, je pensais l’avoir distancé un peu et je l’oublie. J’arrive en bout de banc, je vire et je le vois sur ma droite. Je suis obligé de revirer pour le laisser passer et de revirer pour me dégager de sa dévente. En trois bords (30 secondes), j’ai perdu 150m qui me font arriver à hauteur d’Amaury et Ivan. Je me ressaisis et sauve ma 3ème place. C’est sans doute à cette manche que je ne perds pas le championnat.
  5. Garder sa vitesse quoi qu’il arrive. Ne pas aller tirer des bords sur du terrain incertain ou se faire enfermer par une bâche. Par exemple dans la dernière manche où le vent était juste, je me suis souvent posé la question si je devais aller tirer un bord de portant dans l’eau vers le banc de mer. Je l’ai fait de temps en temps mais …je ne sais pas si c’était bon. En tout cas Hans que j’avais lâché un moment et revenu très vite sur moi et je n’ai gagné que parce que le vent avait tourné.

C3A : Quel était ton état d’esprit lors de cette dernière manche ?

Olivier : Cette dernière manche était la manche classique « de brin » qu’il ne fallait pas rater. Une manche dont on ne se souviendra plus par rapport aux autres mais qui a été la plus importante pour beaucoup de pilotes.

C3A : Mais le championnat ne se résume peut-être pas à cette seule semaine ?

Olivier : Le championnat, je l’ai préparé depuis longtemps. J’ai fait quasiment toutes les courses à La Panne au début de l’année. De quoi vérifier des certitudes : gonfler plus fort que d’habitude (2kg, 2,1kg), bien prendre de la vitesse dans les bords de près (quitte à lâcher un peu de chariot). La Potjes regatta a été quasiment l’équivalent des manches du mardi (même orientation du vent, mais avec une ligne infranchissable).

C3A : Donc tout était tracé.

Olivier : Non. En allant à La Panne, je savais que ce serait serré. A chaque course, plusieurs manches avaient été gagnées par des pilotes différents. Il fallait surtout être constant. J’avais confiance dans mon char, j’avais 2 essieux équivalents, une grosse confiance par plusieurs courses gagnées (L’Eurocup que j’ai gagné 3 ou 4 fois de suite n’est pas pour moi que symbolique). Le week-end avant le championnat nous avons roulé avec Hans, Amaury et les Ludo sur un petit parcours technique et nous étions toujours ensemble avec Hans (vitesse équivalente).

C3A : D’autres facteurs sont-ils à prendre en compte?

Olivier : En ce qui concerne l’état d’esprit, je n’avais surtout pas envie de revivre les championnats de St Peter. J’ai donc répété à qui voulait l’entendre que j’aiderai et dévoilerai tout ce que l’on voulait : la pression des pneus, les passages et les réglages… Cela m’a rendu vraiment serein. Bien sur, j’ai eu le droit à quelques boulettes mais rien de grave et surtout pas de quoi s’énerver. J’ai donc réussi à me concentrer sur la course et uniquement sur elle. Cela m’a rendu disponible pour d’autres choses. Un autre point positif dans la préparation, c’est d’avoir refait de la compétition en course croisière. En étant barreur, j’ai pu me remettre dans des conditions de vigilance bien plus longues que les 35 minutes de manches et plus proches des phases de 2h30 à 3h.Celui qui a déjà arrêté un bateau dans une vague me comprendra.

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C3A : en conclusion

Olivier : Comme vous pouvez le voir, pas de recettes miracles. Un char bien préparé et optimisé au fil des ans avec Didier, des confrontations de qualité toute l’année, une grosse confiance en moi et dans le char, et surtout des adversaires de qualité qui ont joué le jeu de la course avec un fair-play sensationnel.

C3A : quelques commentaires concernant l’organisation ?

Olivier : J’allais oublier quelque chose de très important : Une direction de course largement à la hauteur de l’évènement qui a su être proche de ma devise préférée : « cool mais sérieux ». Ils nous ont laissé jouer en laissant les parcours libres dont on pouvait rechercher toutes les stratégies mais suffisamment balisés pour que cela soit sans danger. Parce que Benny aurait très bien pu mettre une ligne infranchissable comme au mois de Mars et là ce n’est plus le même jeu. D’ailleurs, il faut souligner le peu d’incidents pour 6 manches de louvoyage où l’on se croisait à l’aller et au retour.

Pour moi, La Panne 2010 a été un super championnat bien technique où le hasard et la chance ont été minimisés.

C3A : Merci Olivier pour ce témoignage complet et rare, qui ne peut que nous encourager à maintenir cet état esprit pour continuer à vivre encore de nombreux rendez-vous conviviaux et sportifs en classe 3.

 : Et surtout une tranquillité et un fair-play entre les pilotes que je n’avais plus vu depuis longtemps. D’ailleurs tout avait bien commencé puisque déjà le 1er jour, nous avons pu courir une première manche. Elle n’était pas extraordinaire sur le plan de l’intensité, mais comme toutes les premières manches, elle est libératrice.
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