Tout se passe sous le casque ! ! !


Les coureurs ont besoin de comprendre, d’analyser leurs courses pour s’améliorer. Dans d’autres sports,
l’entraîneur se chargerait de mettre le doigt sur les forces et faiblesses de ses petits gars. Mais en char à
voile, rien. Pardon pour les parents, dirigeants de club, moniteurs…mais pour l’instant, je n’ai pas
encore vu beaucoup d’écrits ni de formation d’entraîneur pour voir toutes les facettes que peut prendre ce
rôle.

 

 


Améliorer ses capacités physiques, gérer le stress, être un super mécanicien-technicien, stratège et
tacticien, à l’occasion un peu voilier aussi, le pilote compétiteur confirmé doit être capable de tout
connaître et être ultra-polyvalent. (a moins que le côté mécanique… si je me réfère à mes
connaissances…légères). Bref, on pourrait parler de tout cela en survolant tous les sujets mais je préfère
n’aborder que le sujet de la tactique et des trajectoires qui en découle. Comment devenir plus performant
dans ce domaine ?

Ne vous attendez pas à une révolution. Je pense que tout le monde reconnaîtra des choses, se dira " ah
mais çà, je le connais ce truc " ou bien reconnaîtra quelque chose qu’il faisait inconsciemment. En tout
cas, en piochant par ci par là, cela pourrait aider.

Je commencerai donc par un exercice un peu fastidieux mais nécessaire pour bien faire comprendre
qu’on ne se déclare pas ou qu’on ne fait pas un bon pilote en un tournemain. Il me fallait donc partir de
données théoriques pour bien montrer que bien piloter n’était pas le fruit du hasard ou de l’innée mais
qu’elle découlait d’une démarche d’entraînement, d’analyse de course, d’une sorte de recueil
d’expériences.

Tout se passe sous le casque ! ! !

Le char à voile…un sport où l’activité mentale est primordiale. Bien sûr, on ne l’observe pas directement
mais toute la course ou chaque phase de course en dépend. Car lorsqu’on roule (même en loisir), on n’a
pas idée du nombre d’informations que reçoit un pilote. Connaître les infos dont dispose le pilote pour
agir, quand il les capte et comment il les utilise aideront à progresser . L’entraînement, le débriefing et les
discussions entre coureurs sont différentes phases importantes pour apprécier comment a été traité le
roulage et quelles enseignements peut on tirer.

L’activité mentale intervient dès que l’on fait appel à son expérience antérieure. Elle joue un rôle
important dans les situations où les incertitudes sont grandes. Ce qui est évidemment le cas de notre
sport où il faut tout prévoir, anticiper, choisir. Sa particularité nécessite une décision et une exécution en
quasi-simultanée. Le pilote a le choix entre plusieurs possibilités et doit le réaliser dans un temps limité
en raison du changement constant de l’environnement. Et en plus, tout ceci se passe par étapes
présentées ci-dessous :

1. Prises d’informations et leurs sélections
2. Interprétation des infos et choix d’une décision en fonction du projet tactique
3. Programmation de la réponse

Prises d’informations et sélections

A-t-on déjà réalisé le nombre d’infos que reçoit un pilote. En compétition, nous en sommes submergés.
En voici quelques exemples (j’en oublie certainement) :

Les infos visuelles pour la recherche du meilleur terrain (sable mou, caniveaux, champs de trous…), les
pennons et/ou girouettes, le placement des adversaires

Les infos auditives pour la vitesse ou le ralentissement de l’engin, le type de sable sur lequel on roule
(riddins, lisse…)


Les infos proprioceptives (celles que le cerveau reçoit des muscles, tendons et articulations) lors d’un
changement d’appui des pieds sur le palonnier du à une modification du vent ou lors d’un lever de roue.

Or il est impossible pour quelque pilote que se soit, de traiter toutes ces informations ensemble et
simultanément à cause des limites fonctionnelles du système cognitif (votre boite noire ou matière grise).

Le pilote de haut niveau a donc du développer des capacités à sélectionner les informations qu'il sait ou
suppose être pertinentes pour le conduire au meilleur résultat.

De plus, à force de répétition et d'expériences diverses, il a appris à percevoir de façon quasi automatique
et inconsciente des informations qui relevaient d'une attention consciente au début et qui ont été
automatisées par la suite.

Il les a intégrées tout au long de son expérience et les a hiérarchisées.

Le pilote sélectionne donc les informations susceptibles de le conduire au meilleur résultat. Ne pouvant
traiter un grand nombre d'informations à la fois, il les organise en un système de représentations en
s'appuyant sur ses expériences passées.

L'interprétation des informations et la "mémoire tactique"

L'étape d'interprétation des informations met en jeu une "mémoire tactique" spécifique développée par les
pilotes tout au long de leur apprentissage lors des entraînements et des compétitions. Cette mémoire
tactique rend compte de l'environnement dans lequel le pilote évolue. On peut dire que le débriefing
intervient énormément à ce niveau. Et comme on l’a vu un peu plus haut, cela ne peut venir qu’en
confrontant son point de vue avec d’autres pilotes ou avec un entraîneur (Ce qui est beaucoup plus dur
pour nous et d’où l’importance de l’entraîneur pilote de haut-niveau).

Le traitement des informations se termine par une prise de décision et par une réponse qui est
effectivement mise en jeu ou non, en fonction de la situation (est-ce que je change de trajectoire ou est-ce
que je continue)?

La mémoire tactique n'est pas figée et évolue en fonction des différentes expériences. C'est donc grâce à
l'entraînement et surtout à la compétition que le pilote se construit une mémoire tactique.

L'élaboration d'un projet tactique

Lorsqu'un pilote prend une décision, fait un choix, simultanément il contrôle si l'action en cours
permettra d'atteindre le but prévu et si elle se déroule comme prévu. Il compare le produit final de l'action
au but initial et constate la réussite ou l'échec de l'action (feed-back terminal). Seuls, les contrôles sur les
opérations (feed-back d'action) permettent de corriger l'orientation et/ou de réguler l’exécution au cours
de l'action, en temps réel.

Si l’on peut imagier, lorsque je décide d’empanner à la bouée, je contrôle de bout en bout mon
empannage car dès que je sentirai que mon char part en tête à queue ou que j’irai me planter dans le banc
de mou juste derrière, j’agirai sur le palonnier pour la réussite de mon empannage. Et c’est parce que les
débutants n’ont jamais été confronté à différentes situations qu’ils se retrouvent en situation d’échec.

Cela peut être le cas aussi du pilote classe 5 qui passe en classe 3 et qui doit tout reconstruire sa mémoire
tactique, ses représentations.

Pour élaborer un projet tactique, le pilote doit être capable d'effectuer quatre types de prévisions à partir
de la situation présente:

· le but de l'action
· le moyen
· les conséquences de l'action sur l'environnement et lui-même
· les changements du milieu susceptibles d'influencer la réalisation de l'action

Par exemple, un pilote veut passer la bouée de virage au vent (but), il connaît sa trajectoire idéale
(moyen), l'accélération que son char va prendre (les conséquences de l'action sur l'environnement) et
devra prévoir la trajectoire de son adversaire direct (changement du milieu susceptible d'influencer sa
sortie de bouée).

Pour prendre une décision, le pilote doit donc réduire l'ensemble des changements possibles de
l'environnement à des modifications probables et les comparer aux conséquences probables de ses
actions possibles.

Les trajectoires sont construites en fonction du projet tactique du pilote

· réduire les risques
· faire le moins de chemin possible
· rechercher le chemin le plus rapide
· gêner l'adversaire
· ne pas se faire doubler
· imposer une route à un adversaire

L'avantage du pilote expérimenté

Le pilote expérimenté a certainement inscrit dans sa mémoire une somme importante de situations qu'il a
analysé et décortiqué. Chaque situation significative a enrichi sa mémoire tactique. Une fois enregistrées,
ces situations permettent de reconnaître de façon immédiate (flash) et économique d'autres situations
analogues et de s'y adapter rapidement.

Lorsqu'on demande à certains pilotes pourquoi ils sont passés par tel bande de roulage ou pourquoi ils
ont viré à tel moment, ils ne sauront pas répondre pourquoi cela s'est passé comme cela, et c'est souvent
comme s’ils avaient eu une sorte de flash sur la situation qui s'est présentée à eux.

Les pilotes expérimentés seraient donc capables de reconnaître un très grand nombre de configurations
de façon immédiate et quasi-intuitive. Les solutions qu'ils utilisent dans ces situations sont souvent peu
explicites. Cette expérience leur donne une grande facilité d'adaptation qui donne l'impression qu'ils se
sortent de toutes les situations.

Cela n'empêche pas que d'autres pilotes tout aussi expérimentés, aient une approche plus réfléchie et plus
analytique des différentes situations.

La différence entre un pilote débutant en compétition et un pilote expérimenté proviendrait donc de la
façon dont les informations ont été prélevées, traitées et interprétées.

Il semble donc important pour les pilotes de travailler la prise d'informations et de n'extraire de la
situation que les informations pertinentes. Il faut donc travailler sur la mémorisation de schémas tactiques
et des repères associés.

Les pilotes doivent multiplier les expériences dans des conditions variées pour constituer leur "mémoire
tactique". Mais cela ne doit pas être réalisé n'importe comment. Il faut aussi en même temps qu'ils
acquièrent une démarche d'analyse et de réflexion sur leur pratique. C’est tellement mieux lorsque l’on ne
fait pas toujours les mêmes erreurs!

La réflexion et l'analyse sur les situations qui se sont présentées en course ou à l'entraînement sont
indispensables aux progrès tactiques pour bâtir sa trajectoire. Une des solutions préconisées peut être le
débriefing avec l'entraîneur mais aussi avec les autres pilotes. Cela peut être agrémenté par une prise de
note, par des fiches retour sur la compétition qui pourront faire apparaître les forces et faiblesses du
pilote, les raisons de sa performance ou de sa contre-performance. Ces fiches doivent être complétées et
illustrées par l'intention du pilote, sa logique dans la course.

A suivre ...

Auteur : Olivier IMBERT

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